Naissance d’une oeuvre

C’est un matin de décembre, je me suis installée dans les Ateliers des Serres de la Milady de Biarritz, où ne résident plus que 6 ou 7 artistes (projet immobilier oblige, les artistes sont menacés d’expulsion et pour la plupart, tous ont vidé les lieux)

Un lieu féerique, parfait pour les créateurs entre nature intérieure et nature extérieure, la lumière y est reine. 400m² de serres Vitrées ; 6 m de hauteur, soulignées par l’architecture légère du métal. Seul inconvénient mais pas des moindre l’étanchéité. Il n’est pas rare qu’en ce mois de décembre je retrouve le matin au milieu de mon boxe une marre. L’isolation thermique, je vous laisse imaginer, est inexistante, la température moyenne le matin au mois de décembre est de 7 ou 8 degrés, nous sommes dans le sud. Le moindre rayon de soleil est un vrai bonheur ! Pas de problème je suis équipée : deux paires de chaussettes, doudoune, doudoune sans manche, mitaines… par chance le box que j’ai choisi est surélevé d’une petite estrade en parquet.

En général j’arrive la première, mais ce matin j’entends la voix de ma voisine d’atelier, Mar, elle est en rendez-vous. Elle est peintre et Art thérapeute. Seul un rideau de velours nous sépare.                                                       

Je crois comprendre que son client est ancien cadre dirigeant à la retraite.                                                                           

Je m’installe sans faire trop de bruit, un mug de café chaud à la main, gardant précieusement ma doudoune sur le dos, mes pieds sont congelés. Je sors une nouvelle toile que j’avais déjà préparée.

Le patient exprime son désir de peindre mais n’est pas satisfait de ce qu’il fait…

Je sors mes tubes à l’huile, mes brosses, ma térébenthine, mon huile de lin, et du siccatif. Je prépare un glacis dans un vieux pot de confiture, j’imbibe mon chiffon et badigeonne ma toile de ce liquide transparent…

Le patient est frustré, pas content de lui. Rien à faire, il n’arrive pas à se satisfaire de sa peinture, mais il veut à tout pris réussir ! Mar analyse qu’il a toujours tout maitrisé, et contrôlé. Toute sa carrière a été, organisée, calculée, efficace, précise…

Le débat me passionne…

J’étale sur ma palette mes couleurs préférées, du bleu outremer, bleu céruléum, vert émeraude, une touche d’ocre et du blanc, pour les lumières. Je n’ai aucune idée de ce que je veux peindre, aucune photo, aucun document, rien, seul ces mots chuchotés qui résonne dans ce grand vide des serres et me traversent. Et la pluie qui rebondit sur les vitres de la serre. Je prends un large pinceau plat, mon vert émeraude et l’étale largement en dégradé…

Mar explique qu’il faut sans doute qu’il soit patient, moins exigeant, passer par une certaine résilience, lâcher prise, et laisser la place au plaisir de peindre s’en rien attendre pour l’instant…                                                     

Ses paroles me résonnent immédiatement, je fais confiance et laisse mes mains prendre le contrôle, mon esprit lui est traversé par mille et une pensées ; résilience, lâcher prise, nature, chaleur, poésie, douceur, louange… mes coups de pinceaux se posent comme des notes sur une partition dont je ne connais pas encore la chanson. Ou encore des vers, des tercet, des quatrains pour former des sonnets d’une poésie.

Je me rappelle mes années d’apprentissage de faux marbre, où j’étais tellement insatisfaite de mes débuts, si raide et gauche. Il fallait tout désapprendre, les parallèles, les perpendiculaires, la symétrie… Une aberration après tout, rien ne se répète dans la nature ! regardez les veines d’un bois, elles se répètent sans jamais être semblables. Pour comprendre il fallait rentrer dans la matière dure et froide. Être cette petite goutte d’oxyde colorée, infiltrée, qui coule le long des failles attirée par l’abstraction, sans cesse déviée par les obstacles et accidents de la nature ; pour s’accumuler et repartir. Laisser son poignet et le pinceau être avec légèreté, puis saccader avec plus ou moins de pression de la pointe sans trop de contrôle. Il faut réellement déconnecter le cerveau et danser un tango avec la peinture. C’est assez planant, aucunement besoin d’une autre substance pour Se laisser aller à cette expérience métaphysique. Vous me direz : « qu’elle a trop reniflé la térébenthine ! »

Laissez-vous prendre par la peinture, par les couleurs, les nuances, comme une musique intérieure. Je suis dans un état planant entre deux réalités, celle de ma toile et celle des serres. Eprise par un sentiment de liberté. Je n’ai plus froid, j’ai même chaud. Ma main ne cesse de courir, comme si elle savait exactement ce qu’elle doit faire. Je me laisse porter, un peu exaltée par cet état, Mon tableau ressemble à un tourbillon, un tunnel dans la végétation avec la lumière au bout…

mon œuvre est née !

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